Un
objet en terre face à nous. Le décrire et créer une histoire.
Je
ferme les yeux et je respire profondément. Les yeux tenus clos, j’approche ma
main et je le touche. Je ne peux m’empêcher de trembler un peu. Je sens et je
me laisse sentir. Je me laisse surprendre par ce premier contact. Il n’est pas
chaud, il n’est pas froid, il est à la température de mon corps. Je laisse ma
main l’explorer. Je le découvre physiquement. Mes doigts suivent ses contours,
ils perçoivent les irrégularités, les dessins qui sont inscrits. Je laisse la
légende m’envahir. Je pense à son histoire, à son mystère venu du fond des
âges. Je ne veux pas percer ce mystère. Je veux le vivre, l’intégrer en mon
âme, m’émerveiller.
Je l’ai attendu, je l’ai cherché avidement. Depuis
l’enfance, j’ai entendu parler de lui, des quêtes innombrables qu’il a
suscitées. « Il est l’objet de nombreuses convoitises, mais toi, si tu
décides de le chercher, cherche-le avec ton cœur »... Combien de fois mon
grand-père m’a-t-il mise en garde contre les vaines obsessions de puissance ?
Je
ne veux plus penser. Je l’ai trouvé après toutes ces années. Je m’étonne et je
me laisse étonner. Il est si beau, si profond. Sa simplicité m’émeut. Je le
sacralise. Pour moi, il n’est pas la puissance, je ne jouis pas de l’avoir
enfin entre mes mains. Je le respecte pour ce qu’il représente.
Il est l’équilibre
du monde.
Sa courbe est régulière, son creux poli, il est évasé par deux fois,
en paliers successifs. Ses dessins sont primitifs, répétitifs mais chaque fois
différents.
Mon
cœur bat, ma main continue de l’effleurer. Je sens des frissons dans mon corps,
il me transmet une énergie, un fluide de vie. Non, je ne veux pas savoir, je
veux sentir encore mes doigts le découvrir, je veux qu’il me devienne familier,
je veux le connaître physiquement, le reconnaître sensitivement, le vivre,
uniquement. Il me fascine. Je ne veux plus de questions, je ne veux pas de
réponses. Il est mystère, il est merveille. Et ses fissures telles des
blessures… Elles ne l’empêchent pas d’être ce qu’il est. Elles font partie de
lui. Je repense à mon passé, à mes blessures. J’ai appris à vivre avec elles
moi aussi, ce sont mes cicatrices.
Je
ne veux pas savoir ce qu’il est exactement. La légende dit qu’une fois son
mystère percé, le détenteur obtiendra la connaissance. Je suis aujourd’hui
détentrice. Je l’ai, posé face à moi, je le touche, il me devient de plus en
plus familier. Plus je le découvre et plus il devient une évidence. Je le
devine désormais, je le connais. Je sens son mystère, je ne veux pas le lever.
Je ne veux pas le profaner. Je m’étonne, et je me laisse étonner de ma propre
réaction, de ma propre sérénité. Depuis l’enfance, il était ma quête, mon but.
Je l’ai aujourd’hui et je ne veux pas savoir ce qu’il est. Pour moi, il est le
symbole même de l’humanité. Il est simple, étonnant, merveilleux, il montre l’équilibre,
il est fissure. Il est le symbole de l’homme.
Il
m’émeut, je le vis, je ne veux plus savoir, je ne veux plus connaître,
comprendre le pourquoi de sa présence ici. Je veux le savourer, le ressentir.
Je savoure la vie en moi, je la ressens. Pourquoi chercher un sens ?
Pourquoi chercher à comprendre ? J’ai trouvé l’apaisement. Je ne sais pas,
je ne veux pas savoir, je ne veux plus savoir et pour la première fois, je suis
heureuse de mon ignorance.
Il est vrai que c'est bien de garder une part de mystère... Joli texte... :-)
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